Pour les adeptes de la raison pure, au-delà de cette limite, vos pensées ne sont plus valables...

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L'affirmation, "tout est vrai", ontologiquement parlant est plus logique que celle qui énonce que "tout est faux", car si cela se confirme que tout est faux, alors c'est que c'est vrai...

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Les contes

Fleur_de_vie

La Conférence des oiseaux de Farid al-Din Attar.

L'idée des l'oiseaux se confond avec celle de la légèreté, de l'essence des choses et des êtres.
Les oiseaux dont il est question incarnent la pensée opposée à la matière et, par conséquent, l'intériorité de l'homme, son « moi profond, son esprit.
C'est une épopée mystique où trente milles oiseaux sont à la recherche de leur Roi.
Le récit commence par un discours de bienvenue qui constitue une fonction rituelle et magique associant la « Huppe », un oiseau, porteur d'une couronne et les autres oiseaux, qui représentent Une humanité cherchante.
Aussitôt, la foule des oiseaux inquiets se rassemblent et providentiellement la Huppe se présente comme messagère.
Elle exhorte les oiseaux à partir pour un voyage difficile qui les conduira à la cour de leur Roi, un oiseau fabuleux, le Simorg (ou Simurgh) .

Tous les oiseaux comprennent l'intérêt fondamental de cette entreprise.
Cependant presque aussitôt plus de dix mille d'entre eux s'excusent : ils sont pour des raisons diverses, content de leur sort ici-bas.
La Huppe admoneste tout le monde, tranquillise les uns, encourage les autres et commence l'enseignement qui permettra d'entreprendre le voyage.
Ils doivent s'engager dans les sept vallées qui marqueront les degrés initiatiques de leur ascension spirituelle.
Ces vallées magiques et mystiques sont :
– les vallées de la recherche
– de l'amour
– de la connaissance
– de l'indépendance
– de l'Union
– de la stupeur
– et du dénuement.

C'est après avoir franchi ces vallées, en un long voyage dont la durée comprend souvent une ou plusieurs vies pleines d'embûches, voyage où la grande majorité des oiseaux périront, que les rescapés se voient refuser - ultime épreuve - l'accès tant espéré au palais de leur Roi : le Simurgh.
Ce refus plonge les trente oiseaux rescapés dans un profond désespoir.
Ils apprennent alors l'ultime vérité : l'Unité Universelle de toute chose et de tout être dans le temps.
Les rescapés, attendent, mûrissent, prient et méditent.
En Persan, «Simorg. » signifie « Si » = trente, « muorg » = oiseaux, c'est-à-dire « trente oiseaux ».
Les oiseaux, devenus des grands prophètes, sont finalement admis auprès de leur Roi.
Ils forment ainsi une hypostase, ou être collectif (chimère).
C'est donc en se servant d'un jeu de mots qu'Attar nous fait comprendre que le face à face avec l'Esprit pur est aussi le retour à l'Unité première est également le retour des oiseaux sur eux-mêmes et sur ces multiples facettes psychiques de l'homme.
Les sept vallées que nous allons bientôt parcourir ensemble font partie de ces réalités subjectives dont chacun reçoit une image vivante et réelle, une représentation interprétée, selon sa propre capacité de perception.
Remarquons que si les noms donnés à chacune des sept vallées paraissent tout d'abord évocateurs et prometteurs de développements clairs sinon logiques, il faut bien vite changer d'idée lorsque l'on s'avance dans le récit et les anecdotes que nous propose Attar.
Il nous prévient lui-même :
« Si tu veux écarter le voile de cette affaire, sache que Dieu seul connaît ce secret et lui seul peut te le dévoiler ».
Par ailleurs, Attar reconnaît parfaitement l'écueil de l’intellectualité. Il nous dit :« A quoi te serviront mes paroles tant que tu n'en auras pas fait l'application » ?
L'approche sera donc difficile.

Première vallée, La Vallée de la Recherche.

Dans cette vallée, l'homme a le sentiment d'être en captivité. Il se sent séparé de quelque chose d'essentiel. Il est souvent un cherchant. Il cherche à se libérer, mais rencontre partout l'hostilité.
La Huppe dit et enseigne :
Cent choses pénibles t'assailliront sans cesse.
C'est seulement au prix de modifications profondes et lentes du comportement que des progrès sont possibles.
La Huppe dit et ajoute :
Il te faudra passer plusieurs années dans cette vallée à faire de pénibles efforts et y changer d'état, car pour progresser, un engagement véritable et endurant est nécessaire.
La Huppe dit aussi :
Tu ne cherches pas le vrai sens des choses, tu n'en as que la prétention.
La Huppe dit encore :
Animé par un désir ardent et par l'espérance, l'homme doit sans cesse exposer sa vie dans ce long cheminement spirituel.
Si tu te laisses aller au moindre orgueil, tu n'est plus maître de ton coeur, tu es alors comme enivré par la boisson et tu as perdu ton intelligence.
... et finalement :
Sois patient dans l'espoir de trouver quelqu'un qui t'indique le chemin que tu dois faire.
Accroupi comme un enfant dans le sein de sa mère, recueille toi ainsi en toi-même.... et des encouragements et d'espoir.
Qu'on fasse partie des bons ou des méchants, on possède toujours un soleil de grâce dans le giron de l'invisible.
Cette première vallée nous indique principalement que c'est à l'intérieur de nous-mêmes que la recherche doit être entreprise avec constance et patience.

Deuxième Vallée, La Vallée de l'Amour.

L'intériorité retrouvée est ressentie comme une grâce et provoque un éclair d'amour mystique vers le Créateur.
Il éveille violemment l'adepte qui s'engage alors dans la seconde vallée.
Cet amour calcine tous les conformismes et toutes les idées reçues, il agit comme un feu purificateur. « car tout commence par une purification ».
La Huppe dit :
La raison ne peut cohabiter avec la folie ou l'amour, l'amour n'a rien à faire avec la raison humaine.
Ils s'efforcent à poursuivre à se détacher de tout.
La Huppe dit encore :
– Quand tu auras la certitude que tu ne possèdes plus rien, il te restera encore à détacher ton coeur de tout ce qui existe.
La fin de cette seconde vallée est ainsi marquée par une première audition intérieure.

Troisième Vallée, La Vallée de la Connaissance.

L'amour qui est confiance en la volonté supérieure a permis la réduction par le feu de l'esprit du monde extérieur.
Cette purification met l'âme en état de réceptivité.
La médiation lui donnera accès à la vallée de la Connaissance par intuition directe.
La Huppe dit:
Lorsque le soleil de la connaissance brille à la voûte de ce chemin, chacun est éclairé selon son mérite et il trouve le rang qui lui est assigné dans la Connaissance de la vérité.
La science spirituelle est révélée par une longue méditation patiente. Le calme et le silence sont nécessaires.
La Huppe dit encore :
– Quand on a un goût véritable pour ces secrets, on ressent à chaque instant une nouvelle ardeur pour en connaître d'autres.
Cette révélation devient alors le guide spirituel de l'âme.
La connaissance n'est cependant révélée qu'en fonction d'une prédestination de l'être.
Cette vallée est marquée par l'acquisition de la gnose, de la connaissance révélée par intuition directe.

Quatrième Vallée, La Vallée de l'Indépendance.

Muni de la connaissance qui le soutiendra, l'être doit maintenant devenir indépendant des chaînes subconscientes qui le relient encore à son environnement, puis au cosmos.
L'épreuve du vide, du néant permettra une réduction ontologique à l'état du germe, puis pour une autre existence.
Dès l'entrée dans cette vallée, la Huppe nous dit :
– Il n'y a ni prétention à avoir, ni sens spirituel à découvrir. Toute perception du temps est modifiée.
Elle ajoute :
– Alors cent caravanes vont périr dans l'espace du temps que met la corneille à remplir son jabot.
Il faut être absolument indifférent.
La traversée de cette quatrième vallée a été une longue ascèse qui a apporté la réduction de « l'ego » par la maîtrise de l'inconscient.
Concentré, l'Être attend maintenant le face à face divin.

Cinquième Vallée, La Vallée de l'Union.

Cette vallée correspond à la naissance lumineuse d'un être nouveau qui est en communication directe avec l'Unité.
La Huppe nous dit :
« Lorsque le voyageur spirituel est entré dans cette vallée, il disparaît ainsi que la terre même qu'il foule aux pieds.
Il sera perdu parce que l'Être Unique sera manifesté, il restera muet car cet Être lui parlera ».
Le monde devient à jamais autre.
Il se produit un renversement total. La lumière de l'évidence et de la certitude remplace les sensations.
Attar dit :
Ce qui se présente en toi comme Unité n'est pas différent de ce qui se compte.
Même l'intelligence n'a plus rien à faire ici.
Dans cette cinquième vallée l'être nouveau vit désormais dans la certitude de l'Unité retrouvée avec l'entité céleste qui lui correspond.

Sixième Vallée, La Vallée de la Stupeur.

Dans cette vallée, l'Être nouveau réalisé subira dans un grand éclair de stupéfaction, l'épreuve de la visite du monde des intelligences pures.
La Huppe dit :
Là, il y a du feu de l'esprit, car l'homme de chair en est abattu, brûlé et consumé.
La Huppe nous dit encore :
Les soupirs sont comme des épées et chaque souffle est une amère complainte.
C'est à la fois le jour et la nuit et ce n'est ni le jour ni la nuit.
L'être avance ainsi stupéfait de vivre dans un monde éternellement présent, sans mémoire.
La Huppe ajoute :
Celui qui a l'Unité gravée dans son coeur oublie tout et s'oublie lui-même.
L'être réalisé accède ainsi à l'invisible, il passe derrière le rideau. (disent les Soufis).
Dans cette sixième Vallée, l'épreuve du monde des intelligences pures prépare la résurrection de l'être au sein de l'essence divine.

Septième Vallée, La Vallée du Dénument.

L'être a dépassé le monde des intelligences pures, il est maintenant dénué de tout, il peut s'incorporer à l'harmonie parfaite de l'Unité céleste et participer à la volonté divine.
Il est alors l'égal des plus grands personnages de la spiritualité. (Cette volonté n'est pas déiste, mais uniquement spirituelle).
La Huppe nous dit :
– Si une chose pure tombe dans cet océan, elle perdra son existence particulière, elle participera à l'agitation des flots de cet océan, en cessant d'exister isolément, elle sera belle désormais.
L'Etre disparaît au sein de l'océan divinité.
La Huppe dit encore :
– Ce que l'on peut considérer comme l'essence de cette Vallée c'est l'oubli, le mutisme, la surdité et l'évanouissement de toute choses.
Car dit la Huppe :
L'être est devenu porteur de lumière. - L'être entre dans l'éternité.
L'être connaîtra peut-être une mission de création mystique dans le monde.
Il ne se verra plus lui-même, il n'apercevra que son ami, dans tout ce qu'il verra, il verra alors sa propre face, dans chaque atome il verra le tout, il contemplera sous le voile des millions de secrets aussi brillants que le soleil.
Avant de conclure, nous voudrions dire quelques mots de la Huppe.
Les oiseaux avancent sous la conduite de la Huppe.
Elle est leur guide et leur Conseillère. Son discours n'admet aucun doute et n'est jamais discuté. Il est plein de certitude et semble providentiellement relié à l'âme du monde.
Ce discours est toujours général comme la Loi.
Jamais la Huppe n'emploie la ruse. Elle n'est jamais flatteuse non plus.
Tout ce qu'elle dit est orienté vers l'Unité, vers l'Ultime face à face. Remarquons aussi que son discours répond généralement à la question d'un oiseau particulier.
Tout ceci nous a conduit à penser que les échanges des oiseaux et les réponses de la Huppe correspondaient à un langage intérieur et symbolisaient en fait les méditations.
Les oiseaux représentaient alors les multiples facettes de notre moi et la Huppe est cette voix intérieure qui doit, selon ATTAR, nous enseigner toute vérité.
Les oiseaux qui meurent pendant le voyage deviennent les modes de penser et de sentir qui ne sont pas en harmonie avec l'ordre et qui devront donc disparaître.
Ceci dit, ne nous étonnons pas, si à travers ce que nous dit la Huppe, un passage se fait vers la partie la plus secrète de notre être, provoquant la percée d'éclairs de vérité.
Comprendre le langage des oiseaux serait donc comprendre le langage secret qui nous interpelle, constamment, au plus profond de notre inconscient personnel.
Nous conclurons en disant notre émerveillement d'avoir rencontré au sein de l'Islam soufi un gnostique authentique : Farid al-Din Attar.
Il est véritablement un représentant de l'universelle spiritualité du monde qui, au-delà des siècles, des distances, des races et des religions nous fait un discours d'où surgissent comme des fleurs, les figures des archétypes que nous avons toujours pressenties, attendues et désirées.

Farid al-Din Attar est un poète mystique persan (v. mille cent quarante deux- mort entre mille cent quatre vingt dix et mille deux cent vingt neuf).

Image par auntmasako de Pixabay